Les jours d’automne

Avec Mathieu Amalric, Olivier Cadiot, Hervé Gaborit, Jean-Benoit Mollet, Thomas Scimeca, Antonin Sopena, Jean-Benoit Terral, Zazie de Paris
Un groupe d’hommes joue à être des femmes en toute liberté dans les années soixante

Scrabble, cache-cache, séance photos, anniversaire… des activités en apparence anodines.

Ce film s’inspire de Casa Susanna [1], un livre de photographies américaines des années 1950 et 60 montrant des hommes travestis de tous âges dans une maison de campagne du New Jersey. Des instantanés, des saynètes où l’on prépare ensemble un repas, jardine, joue au Scrabble, en adaptant chaque fois sa tenue aux circonstances. Un album de famille très ordinaire, en somme.
Ces hommes étaient-ils homosexuels ou hétérosexuels, mariés ou célibataires ? Se réunissaient-ils clandestinement ? ou bien étaient-ils ouvertement travestis dans une Amérique puritaine qui n’en était pas à une contradiction près ? La sidération suscitée par cet album provient ainsi de l’extrême densité romanesque de chaque photographie. Nous sommes aujourd’hui familiers d’images d’hommes travestis inspirés de modèles féminins magnifiés allant de la femme fatale à la prostituée ; mais les hommes de ces photos se fixent sur un modèle moins attendu : la femme au foyer.

Le vertige que suscitent en moi les travestis de Casa Susanna tient à ceci : ils paraissent à la fois en retard et en avance. En retard, parce qu’ils incarnent un modèle féminin déjà daté, à un moment historique où, sous le vernis de la ménagère heureuse et de l’épouse dévouée, les premières fissures commencent à se faire jour. En avance, parce qu’en vivant la différence des sexes comme un jeu de rôles, en en assumant la théâtralité, ils apportent le « trouble dans le genre » qui caractérise notre modernité. Leur geste tient en même temps du carnaval funèbre et de l’utopie pirate. L’émotion vient de cette étrange torsion temporelle qui fait des travestis de la Casa Susanna à la fois nos grand-mères et nos contemporaines.

[1Casa Susanna, Édité par Michel Hurst et Robert Swope. New York, PowerHouse Books, 2005

Image Lionel Jan Kerguistel / Support S8
Montage Laure Vermeersch-Mario Fanfani
Décors Loïc Thiénot
Costumes Mar Sodupe
Film auto-produit